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BD : les 3 types de format (presse)

Quino, Mafalda

La BD et les journaux, une histoire de format

La Bande Dessinée s’est épanouie avec les journaux. Elle est donc intimement liée au support papier, support qui a encadré ses possibilités et standardisé son format. La publication papier a plus d’un siècle d’existence, elle a eu le temps de trouver son modèle économique. C’est pourquoi j’en parle en premier.

1) Le format gag

Le gag en une planche est probablement le format et le genre le plus ancien. Comme son nom l’indique, il s’agit pour l’auteur de raconter en une page (environ 6 ou 9 cases selon le pays : USA ou France) un gag. On se cantonne ici au genre comique : public jeunesse, familial ou adulte (satire).

Les contraintes du gag sont que l’auteur doit raconter son gag en une page, ni plus ni moins. Il lui faut donc :

  • Installer très rapidement la situation : décor et personnages.
  • Ce qui permet de passer à l’action (le gag : préparation)
  • Avant de la faire culminer (la chute : le paiement).

Même si le lecteur s’attend évidemment à une surprise, une chute, l’auteur a comme mission de le surprendre. Soit la chute est démesurée, soit elle est inattendue dans sa forme, soit elle déjoue carrément les attentes du lecteur (qui anticipait une autre issue).

Le gag en une planche, de par son format figé et limité, oblige l’auteur à concevoir un univers narratif et des personnages simplistes, très facilement caractérisés, pour ne pas dire caricaturaux. Il faut que le lecteur saisisse vite où et quand l’intrigue se déroule. Qui sont les acteurs de l’histoire ? Quel est l’enjeu ?

L’auteur n’a pas ici la latitude suffisante pour inventer une nouvelle esthétique narrative, il va plutôt se servir des préjugés. Soit, pour jouer avec, soit pour mieux les critiquer ou les dénoncer.

En résumé, la page gag, c’est :

  • Un genre comique ou satirique
  • Une intrigue en une page
  • Une chute (gag) à la dernière vignette
  • Des personnages stéréotypés
  • Des décors récurrents (donc facilement reconnaissables)
  • La nécessité de jouer avec les préjugés, les codes populaires

Les Profs (de Erroc et Pica, Bamboo), Le Chat (de Geluck, Casterman), Les P’tis Diables (de Dutto, Soleil) en sont de bons exemples.

2) Le Comic strip

Le comic strip, littéralement « comique à une bande » est une version réduite du format gag (en une page). Le comic strip obéit aux mêmes contraintes que celles du gag, à savoir :

  • Un genre comique ou satirique
  • Des personnages stéréotypés et qui évoluent peu (l’auteur n’a pas le temps de développer d’un strip à l’autre ses personnages)
  • Des décors récurrents
  • La nécessité de jouer avec les préjugés, les codes populaires

Ce qui le différencie du gag est qu’au lieu de disposer d’une page entière, l’auteur n’a qu’une bande (en général : 3 cases) pour raconter son gag. Ce qui veut dire :

  • Case 1 : l’auteur pose la situation et lance l’événement qui va créer l’enjeu (exposition et incident perturbateur)
  • Case 2 : il développe la situation dans la case, c’est-à-dire nourrir le gag, préparer la chute (le placement)
  • Case 3 : il conclut le gag par une chute (le paiement)

La série Mafalda de Quino a été composée de cette manière. Son format d’origine (deux bandes horizontales de 3 ou 4 cases) était adapté à sa publication en journal. Elle a été ensuite republiée, dans sa langue d’origine, sous la forme de carnet souples, respectant ce format horizontal atypique. La version française (chez Glénat), regroupe en réalité deux strips pour faire une page d’album franco-belge.
Remarquez que, contrairement à son rendu « jeunesse », Mafalda est un contenu satirique, qui s’adresse à un public adulte ou suffisamment distancié.

Dans un autre genre (adulte mais plus trash), je pense également à la série (sous forme de strips) du défunt Reiser : le Gros dégueulasse, qui est né dans les pages du journal Hara-Kiri.

3) Le dessin de presse

C’est une version encore plus réduite du gag. Cette fois, l’auteur ne dispose que d’une case, de taille variable. Parfois, elle est aussi large qu’un strip.

Le dessin de presse est une expression « sérieuse », c’est-à-dire à destination du public adulte, en général, celui qui lit le journal dans lequel se trouve ce dessin (Le Monde, Le Canard enchaîné, Charlie Hebdo…).

Le dessin de presse s’inspire forcément de la réalité, de l’actualité. Il reprend donc des décors existants ou stylisés et des personnalités publiques (notamment des politiques).

Le dessin de presse peut se résumer ainsi :

  • Un genre principalement satirique (pour un public adulte)
  • Des personnages stéréotypés (mais pas forcément récurrents comme dans le strip ou le gag)
  • Un décor unique, il n’y a souvent qu’une case donc pas de mouvement
  • Le Noir & Blanc est privilégié : il correspond à la production des journaux (pas de couleur)
  • La nécessité de jouer avec les préjugés, les codes populaires et l’actualité (les événements récents)
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Ronan Le Breton

Ronan Le Breton Story Designer Story Teller Narrative Designer Auteur de mauvais genres

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