A-t-on besoin d’un walkthrough pour jouer à Colossal Cave?
Pour beaucoup, un walkthrough est avant tout une aide. Une liste des objets à collecter dans un jeu. Un répertoire de soluces qui permet de vaincre un obstacle qui semble infranchissable. Ou une série de vidéos qui déroulent le parcours sans faute (ou presque) du joueur idéal. Si on s’en tient à cette conception, il ne semble que seuls les tricheurs et les novices s’appuient sur un walkthrough pour jouer à un jeu comme The Colossal Cave. En réalité, le walkthrough est l’une des composantes nécessaires d’un jeu vidéo.
Qu’est-ce qu’un walkthrough alors?
Tout d’abord, un jeu vidéo est, comme l’affirme H. Jenkins une narration spatialisée. Un joueur va évoluer dans un espace où il fera des choix, il agira : aller tout droit, tourner à gauche, tourner à droite, s’approcher du dragon assoupi pour le tuer, tenter de lui dérober l’épée en or qu’il tient dans ses griffes ou quitter la pièce sur la pointe des pieds.
La narration n’est pas linéaire, elle dépend donc du parcours du joueur : des zones qu’il visite, des objets qu’il récupère, des personnages et/ou créatures qu’il rencontre sur son chemin. Au bout d’un moment, le joueur risque de se perdre dans le dédale des pièces et des alternatives que lui offre le jeu. C’est le cas d’un jeu comme The Colossal Cave, qui se présente sous la forme d’un labyrinthe de grottes.
Un joueur est alors fortement incité à dessiner une carte du jeu. Le walkthrough sert au joueur à baliser son chemin. Il lui permet de se rappeler les zones déjà explorées, de distinguer les lieux indispensables des spots accessoires, d’éviter les pièges qu’il a déjà identifiés. Et même si l’utilisateur ne sort pas un papier et un crayon, il esquisse cette carte dans sa mémoire, au fur et à mesure de sa progression. Ceci pour se rappeler du bon chemin comme des impasses.
Le walkthrough est également un document indispensable pour les concepteurs afin de visualiser l’ensemble d’un niveau du jeu et d’y répartir de manière juste et proportionnée les défis et les récompenses. Ce qui assure un parcours de jeu fluide et satisfaisant. Ce document leur permet en outre d’échanger sur une vision commune, limpide (une image vaut 100 mots) du level design, la conception des niveaux du jeu.
L’exemple de Colossal Cave
Je vous ai parlé de The Colossal Cave Adventure (son titre complet). Vous n’êtes pas forcément familier de ce jeu mythique de la fin des années 70. D’autant qu’il s’agit d’un jeu textuel : il ne propose aucun support visuel dans sa narration. Il n’empêche qu’une carte est bien utile pour ne pas de perdre dans le dédale des grottes.
Le joueur incarne un explorateur dont l’identité n’est guère précisée. Il se trouve à l’entrée d’une gigantesque cave légendaire, qui dissimule des trésors fabuleux ainsi que de nombreux périls. Pour l’anecdote, le décor du jeu s’inspire d’un site réel : la Colossal Cavern, dans l’état du Kentucky. Will Crowther, l’auteur de the Colossal Cave, étant également spéléologue, il s’est inspiré d’un lieu qu’il connaissait bien, dans le monde réel.
The Colossal Cave est, je l’ai dit, un jeu textuel. Il se présente comme un livre-jeu, sans image. À la différence des livres dont vous êtes le héros, on ne vous propose pas des choix pré-enregistrés mais une question ouverte, du genre : « Que faites-vous? ». Comme c’est un jeu sur ordinateur, le système interprète les instructions que vous lui proposez et il répond en conséquence. Bien entendu, l’I.A. est très limitée dans sa capacité de compréhension : le joueur ne tape qu’un mot ou deux, pas de phrase complète, mais c’est déjà un sacré progrès.
The Colossal Cave est enfin considéré comme le premier jeu textuel, précurseur des jeux vidéo de genre aventure et RPG. Honneur donc au grand-père des jeux d’aventures.
Le walkthrough de Colossal Cave
Pour parvenir à sortir indemne de ce parcours labyrinthique, il est évident qu’une simple liste de “Do’s & Don’ts” (Actions à faire / Actions à proscrire) ne suffirait pas à rendre le cheminement lisible. The Colossal Cave revendique haut et fort sa narration spatialisée. Le parcours est bien trop long pour se rappeler de tous les embranchements par coeur. C’est aussi pour cette raison que j’ai choisi ce jeu, qui illustre à merveille l’utilité d’une carte.
Rappelez-vous que ce type d’expérience s’inscrit dans la lignée des Jeux de Rôles comme Donjon & Dragon (D&D). Or, D&D assume son héritage jeux “de plateau” : le donjon matérialisant ce plateau. Dans The Colossal Cave, le joueur s’aventure dans un donjon, fait de roches. À la différence près que le donjon (le plateau) n’est dévoilé qu’au fur et à mesure de la progression. Et charge au joueur de se rappeler ce qui se trouve dans telle ou telle pièce qu’il a déjà visitée.
Autant vous dire qu’à une époque où internet n’existait pas et les magazines étaient rares. Dessiner la carte du jeu, y recenser les informations clés (monstres, pièges, trésor) était une étape clé du parcours utilisateur. Ce n’était pas qu’une anti-sèche réservée aux fainéants et aux noobs.
En conclusion, le walkthrough matérialise les possibilités de jeu. Il traduit quels sont les parcours que la zone de jeu permet au joueur d’emprunter. Ce n’est pas simplement un guide ou une FAQ pour ceux qui se sentiraient perdus dans le jeu.