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Auteur entre incertitude et (dés)espoir ?

auteur (non rémunéré) : Philippe Fenech

Avertissement : Sur ce blog, je partage mes expériences et mes réflexions, jamais mes opinions personnelles. Mais trop, c’est trop. Cette fois, je pousse mon coup de gueule !…

Devenir auteur : un métier ou un choix de vie ?

Mon premier contrat et ma première publication d’auteur fut en 1998. J’étais encore étudiant, je n’étais pas encore certain de franchir le pas. Je n’imaginais pas viable l’idée de vivre pleinement de ma seule activité d’auteur. Mais après un brutal et violent accident de la route, j’ai reconsidéré ma situation et surtout mon avenir. J’ai abandonné le projet de cumuler job salarié et contrats d’auteur.

Je me suis dis qu’on avait qu’une vie et qu’il fallait tenter le coup ! En outre, je me disais que c’était la seule façon d’aller au bout de cette aventure. Je ne me sentais pas capable de mener deux vies de front.
Je sais que nombre d’auteurs (publiés ou auto-publiés) y arrivent. Mais, moi, je pensais que j’allais perdre le « feu sacré ». Il me fallait la pression de devoir me battre pour être signé pour réussir à être un auteur. C’est masochiste, idiot, mais je ne voyais pas les choses autrement.

Je rappelle aussi qu’à la fin des années 90, Amazon n’était pas le géant d’aujourd’hui et Kindle n’existait pas. Bref, à cette époque, l’ancien monde régnait sans contestation : « sans éditeur, pas d’auteur ». Je me suis donc résigné à bouffer de la vache maigre pendant quelques années.

Parcours d’un auteur combattant

En effet, ces années de vaches maigres ont duré jusqu’en 2006. En parallèle de mes travaux d’écriture (des romans jeunesse puis des scénarios de BD), j’ai enchaînés différents boulots alimentaires et complémentaires : hôte d’accueil, réceptionniste de nuit dans un hôtel, enquêtes téléphoniques dans des agences de marketing…

2006.
Enfin, j’étais affilié à l’Agessa, la caisse sociale des auteurs. J’avais enfin percé ! J’étais devenu UN AUTEUR !… Mes revenus d’auteur… J’en vivais, modestement (tout juste le SMIC), mais je consacrais mon temps et mon travail à ma passion : l’écriture (de scénario et de BD principalement). Je me disais qu’après toutes ces années de bricolage et de précarité étaient derrière moi. J’entamais enfin ma « carrière d’auteur ».

Le temps des désillusions

Je reconnais avoir même eu deux bonnes années en 2012 et 2013 : les seules années où j’ai pu multiplier mon SMIC par 2!!!
Et puis, en 2014, ce fut le retour à la précarité. Difficulté pour signer de nouveaux projets, baisse des droits d’auteurs. La situation du marché devenant hyper concurrentielle. Si le secteur de la BD se porte très bien en 2018, ce n’est pas la création française qui tire le marché vers le haut, mais la traduction, principalement celle des mangas…
Bref, en 2014, je suis repassé sous le seuil d’affiliation soit un demi SMIC. Retour à la case départ = « Les vaches maigres »

Disons, pas tout à fait.

Heureusement, depuis 2012, grâce à mon CV (qui s’est étoffé) et aux contacts noués au fil du temps, j’avais développé des activités périphériques à mes envies de création : ateliers, cours de scénario, missions de writing ou rewriting…
Ainsi, aujourd’hui, je ne vis plus vraiment de mes seuls revenus d’auteurs, qui oscillent autour du seuil d’affiliation (fixé à 8892 euros en 2018). C’est surtout grâce à ces revenus « périphériques » que je continue à vivre de ma plume.

L’extinction culturelle

Et voilà que dans ce contexte déjà difficile, incertain et de plus en plus tendu, une nouvelle menace se profile. Et elle vient de l’intérieur. De l’Etat, qui prétend défendre l’exception culturelle à la française.

L’histoire débute en réalité en 2014. On entame le travail de sape et on fait pression sur des caisses dites indépendantes (l’IRCEC, la retraite complémentaire des auteurs/artistes), histoire de la mettre au pas ! On estime au Ministère des Affaires Sociales que les auteurs, ses (pauvres) favorisés ne payent pas assez. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et les auteurs BD, excédés d’être mis devant le fait accompli (ou presque) montent au créneau. S’ensuit 2 années de négociations âpres et intenses. La réforme de la retraite (complémentaire) des auteurs entre en application courant 2017. Ce sera 8% pour à peu près tout le monde, et 4 % pour les auteurs du livre qui ne dépassent pas un certain seuil.

Aujourd’hui, alors que la révision de la canalisation sociale n’est pas encore à plein régime et doit normalement être suivie d’une évaluation de ses effets, s’abat une deuxième vague, un raz-de-marée !
Et là encore, les auteurs (et les artistes) sont mis devant le fait accompli, ou plutôt l’épée de Damoclès.
Déjà, en 2014, 8% représentait un coup de poignard pour les auteurs-artistes. Autant dire qu’avec la réforme de la retraite universelle, ce sera de l’ordre de 15%… Vous voyez le tableau, en quelques années les cotisations des artistes-auteurs augmentent de 23% alors que leurs revenus, eux, n’ont cessé de baisser…
A ce rythme, dans quelques années, je gagnerais ma vie autrement qu’en percevant des droits pourboires d’auteurs… Je suis atterré de voir qu’aujourd’hui, mes craintes d’étudiant se réalisent. Grâce à l’initiative publique, le métier d’auteur ne sera bientôt plus un métier ni une profession durable.
Plus généralement, auteur est clairement une espèce que l’on peut d’ores et déjà qualifier de menacée d’extinction. En France… Un pays qui célèbre sa culture et sa langue à l’international et sur les plateaux TV. C’est honteux…

Je ne comprends pas comment on peut justifier cette fulgurante initiative qui consiste à poser des rustines sur un système en fin de vie. Continuer à financer la Sécurité Sociale par le travail (et les revenus assimilés) n’est pas un horizon mais une impasse. L’écosystème de la disruption numérique est en train de bouleverser la gouvernance des états. La répartition de la valeur entre capital et travail et la notion même du travail n’ont plus rien à voir avec la fin des années 40 : date de la création de la Sécu…
Non seulement cet aggiornamento est imbécile et délétère, mais il ne résoudra rien. A ce rythme, nos « experts » devront resserrer la vis tous les 4/5 ans, dans le vain espoir de ramener les comptes de Mère Sécu à l’équilibre.

Je suis indigné par cet Etat « en marche » vers le grand mur ou le précipice… Nos gouvernants semblent se contenter de gérer (plus ou moins bien) des situations de crise. Leur ligne d’horizon ne va guère plus loin que le prochain mandat.
Un jour peut-être, nous aurons un Etat qui assumera (enfin) un SAV vis-à-vis de ses plans de réforme?

SAV par Omar et Fred
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Ronan Le Breton

Ronan Le Breton Story Designer Story Teller Narrative Designer Auteur de mauvais genres

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