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La Toile des Personnages ou comment générer de l’interaction dans un jeu

Les personnages génèrent de l’interaction

Avant de parler de toile et de multiples personnages, je vous propose d’abord de voir dans un exemple simple de quelle interaction je parle.

  • Si le personnage joueur déclare sa flamme au conjoint d’un personnage non joueur. Comment réagit ce dernier quand il l’apprend : enfermer le conjoint ou défier le joueur ?
  • Si le personnage joueur enlève le conjoint au nez et à la barbe du personnage non joueur. Que fait alors celui-ci  : le poursuivre, engager des mercenaires, rien ?
  • Si le personnage non joueur encercle la résidence du personnage joueur. Que fait le joueur : rendre le conjoint, se battre ?

Vous l’avez compris, l’interaction à laquelle je fais référence concerne uniquement celle entre les personnages. Dans le jeu, comme dans la vie, nous agissons aussi en fonction de ceux que les autres (nous) font.

Par exemple, Mario (Super Mario Bros, puis dans de nombreuses suites) est amoureux de la douce Peach. Mais Bowser la convoite également. Bowser kidnappe Peach (contre sa volonté). Du coup, Mario n’a plus qu’une idée en tête : sauver la belle Peach des griffes de l’infâme Bowser.

Avec deux personnages opposés : un protagoniste (Mario) et un antagoniste (Bowser), Nintendo a pu créer une situation qui donne la trame globale et donne sens au parcours du célèbre moustachu en salopette rouge.

Pour autant, une relation protagoniste/antagoniste reste limitée dans ses variations. Mario va tout faire pour la libérer. Bowser, qui veut garder Peach, va s’opposer à Mario. Chaque personnage n’a qu’un type de comportement vis-à-vis de l’autre. Deux personnages, cela nous fait deux types d’interaction.

C’est efficace, mais cela reste simple guère changeant d’une partie à l’autre. Comment faire pour accroître les possibilités d’interaction et donc de jeu ?

Imaginons maintenant que nous avons quatre personnages, reliés les uns aux autres par un comportement précis. Nous avons alors 12 possibilités d’interactions différentes au lieu de 2. C’est ce que j’appelle la Toile des Personnages.

La Toile des Personnages

Cette expression n’est vraiment pas de moi mais de John Truby, script doctor à Hollywood, à qui j’emprunte son concept de « Four Corners of Opposition ».

Comment arrive-t-on à 12 interactions au lieu de 8 ? Chaque personnage (dont le personnage joueur) réagit différemment aux actions des trois autres personnages. Chaque personnage est pourvu d’un système d’interactions à trois entrées (un pour chaque autre personnage). Comme nous avons 4 personnages : 4×3 = 12.

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Sur ce schéma, il suffit de compter les pointes des flèches (12, et non 6 flèches).

J. Truby ajoute que pour rendre cette architecture signifiante, il faut opposer les motivations et les valeurs des quatre personnages autour d’un même objectif, thème. La princesse Peach : Mario Vs Bowser. La conquête du pouvoir pour la série Games of Thrones.

Résultat de recherche d'images pour "heavy rain game"Un exemple vidéoludique : Heavy Rain

Heavy Rain est un jeu d’aventure sombre, de type thriller.

Il met principalement en scène quatre personnages aux parcours et aux motivations variés. Quatre personnages que le joueur va incarner à tour de rôle. Ces quatre personnages sont liés les uns aux autres par l’affaire du kidnapping de Shaun Mars (l’affaire du tueur aux origamis), qui constitue la trame de l’histoire. Chacun à sa motivation et ses valeurs propres. Au départ de l’histoire, aucun des personnages ne connaît les autres. Cela dépendra donc de ce que le jeu propose et ce que le joueur en fait.

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  • Ethan Mars : le père de Shaun Mars, souffrant de black-out, il est suspect pour la police. Lui, ne pense qu’à sauver son fils du tueur, quel qu’en soit le prix
  • Madison Page : journaliste qui suit l’affaire du tueur aux origamis
  • Norman Jayden : l’agent du FBI lancé sur la trace du tueur
  • Scott Shelby : détective privé obsédé par l’affaire du tueur aux origamis. En a fait une affaire personnelle

A priori, nos quatre personnages ont tous à coeur de traquer le criminel. En réalité, c’est plus compliqué que cela… /*SPOILER*/ ce que le joueur découvre uniquement vers la fin. Je n’en dirai pas plus… Quoi qu’il en soit, les quatre personnages ont leur propre agenda. Ils ne sont pas obligés de coopérer, loin de là /*SPOILER*/.

Même si l’intégration de cette toile de personnages n’est pas totalement réussie, notamment concernant la place relative de Scott Shelby, ce feature prouve qu’il est possible et bénéfique d’élargir la confrontation à plus de deux personnages.

Une toile à plus de 4 personnages ?

Le modèle à quatre personnages de J. Truby n’est qu’un modèle théorique. Il ne faut pas le prendre comme la seule alternative au duel entre protagoniste et antagoniste.

Dans une situation de jeu, on peut très bien imaginer une toile des personnages avec 5 ou 6 profils, voire 8 ou 12. Tout dépend de la complexité de l’histoire, de la richesse de l’univers, de la diversité d’interactions que l’on souhaite proposer à l’utilisateur. L’intérêt avant tout de cette toile est d’ouvrir les possibles, partant de multiplier les parcours de jeu et d’enrichir la narration comme l’expérience.

J’espère en tout cas vous avoir convaincu de composer, vous aussi, votre toile des personnages (et de leurs interdépendances), pour une expérience plus riche et immersive.

Enfin, vous pouvez également structurer votre toile d’interaction des personnages avec seulement deux ou trois acteurs. C’est l’objet d’un autre article, que je vous invite alors à lire.

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Ronan Le Breton

Ronan Le Breton Story Designer Story Teller Narrative Designer Auteur de mauvais genres

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