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La gratuité c’est le vol ?

Rainbow cake by ElizabethWilk

Rainbow cake by ElizabethWilk

La gratuité, c’est le vol

Est le titre de la récente brochure, éditée gratuitement (un comble, me direz-vous) par le SNE (syndicat National de l’ Édition). Ecrite par l’avocat spécialisé en droits d’auteurs Richard Malka, elle a réveillé la polémique sur la révolution numérique.

Finalement, qu’est-ce que la révolution digitale ? A quoi sert-elle ? Que peut-elle nous apporter aujourd’hui ?

  • A-t-elle les capacités de refaire le monde, de le rendre plus « human friendly« . Un monde de la culture et du savoir, plus juste et plus équitable. Comme le réclame à corps et à cri les partisans d’une république numérique disruptive, qui doit favoriser « la libre diffusion de la culture et des savoirs » comme le réclame la tribune du monde signée par 75 personnalités et soutenue par le Conseil National du Numérique (think tank initié par l’exécutif Valls 2.0) ?
  • La demande du public pour un accès libre à l’information et à la connaissance a-t-elle plus de poids que la survie qu’une industrie de la culture et du savoir, qui rencontre justement des difficultés de financement de plus en plus aiguës ?
  • Doit-on encourager et légiférer sur les pratiques amateurs et non marchandes : œuvres transformatives (machinima, modding, mash-up, bootlegs…), les contenus générés (œuvres collaboratives, fan fictions,…) par les utilisateurs ? Ont-elles le droit d’exister au même titre que les œuvres d’auteurs rémunérés par un éditeur de bien culturel ?
  • Internet fait-il le jeu de la piraterie, sans vergogne et sans respect pour le dur labeur du créateur, le plus petit maillon de la chaîne : le plus pauvre et le plus fragile ?

Je précise quand même que ce manifeste n’est pas l’œuvre de la communauté des créateurs de valeur traditionnels (les auteurs) mais d’un seul auteur, avocat par ailleurs, mandaté par le SNE (organisation d’investisseurs en propriété intellectuelle que sont les éditeurs).

Il n’est ici pas non plus question du point de vue des auteurs qui ont sauté le pas et s’éditent ou se produisent eux-même et mettent en ligne ou diffusent leur œuvre numérique.

Le cadre étant posé, j’ai envie de répondre très simplement que ce débat a, j’en suis convaincu, quelques années de retard. Internet n’est déjà plus une révolution, il est déjà en voie de normalisation. Il est l’objet de la lutte entre des entreprises marchandes transfrontières, les internautes, les pouvoirs publics et les créateurs de valeurs .
Ces entreprises, je pense bien entendu aux géants d’internet. Tout simplement, parce que le monde dans lequel nous vivons n’a changé qu’en surface. 

Internet n’est et n’a jamais été gratuit. Dire le contraire est aussi naïf que croire que la télévision publique française se nourrit de la contribution de journalistes, d’animateurs, de techniciens audiovisuels, des contribuables (via la redevance, les impôts) tous bénévoles ainsi que de la générosité désintéressée des annonceurs publicitaires. Internet n’a pas non plus inventé la gratuité. Il l’a repris puis en fait un modèle de profit, ce qui n’était pas possible pour la presse, la radio ou la TV.

Le pire est qu’aujourd’hui, l’engagement de l’Etat recule (baisse des dotations, subventions, avantages) pour laisser place à l’initiative privée et n’allez pas croire que je parle des individus. Je pense surtout au Grand Capital de Karl Marx. Car oui, le 21e siècle est le triomphe d‘une nouvelle génération d’entreprises, plus agiles et plus exponentielles, celles du numérique. Elles ont su rendre rentable la prétendue gratuité.
En 10 ans, Facebook est arrivé à peser plus lourd à la bourse de New York que General Electric qui est côté à la bourse depuis la création du Dow Jones en 1896

J‘ai déjà abordé la question problématique du nouveau monde du travail et du précariat.

Cette querelle guère nouvelle, entre modernes et anciens, réactionnaires et libertaires, renvoyant dos-à-dos (droit d’)auteur et (droit d’)utilisateur, fait fi de la réalité. Celle de l’argent et de la marchandisation. L’argent. Aujourd’hui, il n’y a jamais eu autant de valeur et si peu de personnes qui en tirent des revenus conséquents.

Je vous invite à lire cet extrait d’une publication de l’INA sur le « digital labor » : « Qu’est-ce que le digital labor ? » de Cardon et Casilli.

A. A. Casilli nous affirme combien la notion de « digital labor » va bien au-delà de la simple question de la marchandisation des données privées ou du télétravail. C’est la réalité du capitalisme à l’ère d’internet : Comment faire de l’argent avec le contenu immatériel d’autrui ? L’usine s’est téléporté dans la matrice et a cannibalisé nos câblages.

Le « digital labor » est « ce travail invisible, mais qui se manifeste au travers de nos traces numériques, constitue le noyau autour duquel s’est articulée, dès le début des années 2010, la notion de digital labor. Son émergence formule une critique de la patrimonialisation des contenus générés par les utilisateurs, de l’embrigadement marchand de l’effervescence des commons qui finit par nourrir les profits des industriels. En même temps, elle passe par une dénonciation de la précarité croissante des producteurs de contenus, face à cette marchandisation de leurs contributions. Quel type de pression salariale s’exerce dans les secteurs les plus divers (journalisme, industries culturelles, transports, etc.) par la création d’une armée de réserve de « travailleurs qui s’ignorent », convaincus d’être plutôt des consommateurs, voire des bénéficiaires de services gratuits en ligne ? ».

Traitez-moi de réac si vous voulez. Mai 68 n’a finalement pas accouché de grand chose. Elle n’a jamais été en capacité de porter « l‘imagination au pouvoir » malgré tout son enthousiasme juvénile et parisien.

Le titre de cet article devrait donc être, en toute bonne logique :

La gratuité est un leurre !

The cake is a lie

 

 

Pour finir je vous laisse en paraphrasant le gimmick du jeu Portal.

« The cake is a lie », je vous réponds : 

 

The C@ke i$ a lie!

 

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Ronan Le Breton

Ronan Le Breton Story Designer Story Teller Narrative Designer Auteur de mauvais genres

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