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Jeu vidéo : qu’est-ce qu’un storyworld ?

Le storyworld ou l’univers narratif

Cette semaine, je souhaite vous familiariser avec cette notion clé que l’on retrouve (principalement) dans l’écriture de séries, de jeu et de jeu vidéo : la notion d’univers narratif. Qu’est-ce qu’un univers narratif ? Quelle est sa fonction, ses limites ?

Cette fois encore, je vais m’appuyer sur ce que j’ai écrit dans mon manuel de Design narratif.

Pour ce qui est de la conception d’un univers narratif : le worldbuilding, je l’ai déjà traité dans un précédent article.

Le storyworld : tentative de définition

Le storyworld, c’est d’abord le décor de l’intrigue. La scène sur laquelle l’histoire va se dérouler. L’hôpital dans lequel le Dr Gregory House exerce son métier de médecin. Mais le storyworld est bien plus. C’est le contexte plus général dans lequel l’action se déroule. Le contexte géographique, historique, social, économique, culturel.

Le storyworld des X-Men nous présente un monde qui ressemble trait pour trait aux nôtre. À la grande différence près que dans ce monde, il existe des mutants doués de super pouvoirs. Et certains de ces mutants menacent l’équilibre de ce monde. Le gouvernement s’estime en danger et a déployé des réponses agressives (les Sentinelles, Les Agents du SHIELD.). La technologie de ce monde est plus avancée que la nôtre… Bref, le storyworld des X-Men ne se résume pas à quelques lieux emblématiques. Le monde des X-Men est résolument différent, original, spécifique. Il fait partie intégrante de la narration des X-Men.

C’est en ce sens que j’utilise le terme storyworld. Que l’on pourrait traduire par l’univers narratif. La narration de l’histoire se déroule dans un univers qui lui est propre, qui fait également sa cohérence et son originalité. Les auteurs de narration linéaire comme interactive ont pour coutume de décomposer le storyworld en deux strates :

  1. univers
  2. arène.

L’Univers

Une narration ne nous dévoile forcément qu’une infime partie de l’univers de telle ou telle histoire. Elle se concentre sur le point de vue du héros et se focalise sur son action. Elle laisse de côté les éléments superflus qui risqueraient de brouiller les signaux, rendre inintelligible l’action et sa signification, ou perdre l’attention du public (théorie de l’engagement). Ce qui gâcherait l’expérience.
L’univers narratif est donc bien plus vaste que ce qu’on en découvre dans l’histoire que l’on vit. Celui des films Star Wars est une galaxie entière, composée d’innombrables astres habités. La narration dans Star Wars se concentre sur quelques planètes qui jouent un rôle significatif dans chaque épisode (Tatooine, Yavin, Dagobah, Hoth, Endor, Bespin, Naboo, Coruscant,…).

Je vous propose de reprendre l’image de l’iceberg. Comme pour la back-story des personnages, le public ne connaît (et n’a besoin de connaître) que 10% de l’histoire. Le monde est plus vaste que celui aperçu dans la narration.

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Et heureusement, cela laisse des zones d’ombres (l’origine de la Force ou des centaines de Planètes et de races aliens dans Star Wars qui ne sont pas exploités dans les films de la deuxième trilogie), que les auteurs peuvent exploiter par la suite.
J’ajoute que dans le cas d’histoires qui nous dévoilent un monde parallèle au nôtre. Un monde généralement radicalement distinct du nôtre, (The Matrix, la saga Harry Potter, le Monde de Narnia, le monde alien dans Half Life, Alice Madness Returns,…), on a souvent recours à ce qu’on appelle un rabbit hole.

Ce rabbit hole (terrier du lapin, comme dans Alice au pays des Merveilles) sert de sas, de point de passage, entre ces deux mondes hétérogènes, qui cohabitent sans se superposer.
Il peut avoir n’importe quel aspect : une armoire (Le Monde de Narnia), un écran d’ordinateur (Tron), un miroir (Alice, De l’autre côté du miroir), un téléporteur (Half-Life)…

Si nous revenons à la théorie de l’iceberg, l’univers narratif correspond à l’ensemble de l’iceberg (le storyworld). Sa partie émergée, elle, correspond à l’arène : ce que la narration dévoile à l’utilisateur.

L’Arène

L’arène est ce que le public va réellement découvrir ou vivre au cours de l’expérience. L’arène est la limite physique de l’action. Concrètement, le terrain de jeu, le ring où se déroule le combat entre le héros et ses adversaires.
L’arène est la représentation spatiale de l’affrontement entre le héros et l’antagoniste. Spatiale, car elle est en trois dimensions, elle révèle des décors dans lesquels évoluent des objets et des personnages.

L’arène est également la projection visuelle et sonore des conflits entre les personnages. Les oppositions entre les personnages deviennent des confrontations graphiques. Les différents sous-mondes (qui correspondent aux différents personnages principaux) contrastent visuellement, de la même manière que les personnages principaux s’opposent dans leurs actions. Son, musique, costumes, véhicules, bâtiments, accessoires, tout élément de l’arène peut servir à marquer le contraste entre les personnages.

Le majestueux mais monstrueux Kong (King Kong) est arraché à l’île du Crâne, la jungle primordiale, la nature (sauvage mais juste et impartiale). On l’emmène à New York : la jungle urbaine, le monde industriel (riche mais égoïste).

Les décors dans Aliens s’opposent radicalement (comme les humains et les créatures xénomorphes). La ruche des Xénomorphes est un hideux mélange d’organique et d’inorganique : des boyaux suintants, sombres et étroits qui recouvrent des édifices rouillés, abandonnés, en perdition. Tandis que le vaisseau des space marines est en parfait état de marche, mieux éclairé, plus confortable et possède une IA qui répond aux ordres des humains.

Vous voilà, j’espère que maintenant vous comprenez mieux ce qu’est un storyworld. Et si vous voulez tenter d’en construire un, n’hésitez pas à consulter ma feuille de route pour vous y aider.

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Ronan Le Breton

Ronan Le Breton Story Designer Story Teller Narrative Designer Auteur de mauvais genres

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