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Briser le 4e mur : House of Cards innove-t-elle?

House of Cards brise le Quatrième Mur!

Vous connaissez tous House of Cards, cette série qui brise le quatrième mur, vous savez celui, invisible, qui sépare les personnages (d’une fiction) du public qui la suit. Quatrième mur (et non Deuxième Mur), car ce concept vient du théâtre et que la scène où évoluent les acteurs n’est pas plate comme un écran TV mais avec une certaine profondeur, donc en trois dimensions.

House of Card - Netflix - 2013

House of Card – Netflix – 2013

Savez-vous pour autant d’où vient cette série?

House of Cards (le roman)

House of Cards (le livre)

D’une série de livres écrit par Michael Dobbs. Publié en 1989, Dobbs imagine une fiction politique dans laquelle une guerre de succession éclate, après le départ de Margaret Thatcher du gouvernement.

C’est cruel et sans concession, et très réaliste, documentée. Dobbs a été conseiller de la dame de fer (Margaret Thatcher) : il connaît donc bien les rouages et les travers de la politique britannique de l’époque.

 

House of Cards: la série US qui ose – 2013

House of Cards - Netflix -2013

House of Cards – Netflix -2013

Pour beaucoup, moi y compris, House of Cards, c’est avant-tout l’adaptation qu’en a fait la célèbre plateforme vidéo Netflix. Avec Kevin Spacey dans le rôle d’un charmant sociopathe, et Robin Wright dans un rôle à contre-emploi (par rapport à ses compositions précédentes) de partenaire de ‘crime’, troublante et perverse.

La série passionne car les protagonistes ne sont pas deux héros épris de justice ou victime d’injustice, mais deux esprits tordus et sans scrupule, prêt à tout pour gagner (et pas seulement se venger). Ils ne reculent devant aucune fourberie, tant pis s’il y a des victimes collatérales : « on ne fait pas d’omelettes sans casser les oeufs », dit-on.

Et, aussi et, c’est l’objet de ce article, parce qu’ils s’adressent à nous, en aparté comme on dit au théâtre (face caméra). C’est du moins le cas de Franck Underwood (Kevin Spacey), qui nous prend à témoin, nous dévoile franchement la mécanique de ses odieuses machinations. En clair, il brise ce fameux quatrième mur.

Est-ce pour autant une réelle nouveauté? A ma connaissance, la réponse est non. Il y a déjà un précédent. Lequel me direz-vous?

Profit - Fox - 1990

Profit – Fox – 1990

Profit : la série qui brise les tabous – 1996

Profit nous raconte l’ascension d’un séduisant sociopathe (encore un) : Jim Profit, directeur adjoint des fusions-acquisitions, jusqu’aux plus hauts échelons d’une grande multinationale. Son seul objectif est d’arriver en haut de la pyramide hiérarchique. Ses moyens : tout et surtout l’extorsion, le chantage, la corruption, la manipulation, la trahison.
Non seulement Jim Profit a la ‘belle gueule’ de l’emploi, il est pervers à souhait, mais il brise le 4e mur (7 ans avant House of Cards) en s’adressant, face caméra, au public.

Malheureusement, cette série osée et novatrice a fait une bide sur la Fox, à l’époque. Il est vrai que son ton est trop sulfureux. Non seulement Profit est machiavélique, mais il tue son père et couche avec sa mère!! C’en est trop. La série a été rapidement déprogrammée puis annulée, suite aux plaintes des spectateurs américains, choqué par l’immoralité de Jim Profit. Inutile de vous dire qu’elle a reçu en France un accueil, au contraire, très chaleureux. A défaut d’être un succès, c’est une série culte. Sachez enfin qu’il était prévu d’orienter les ambitions de Profit vers des enjeux clairement politiques : un poste de sénateur.

Bref, je connais Profit et je pensais que les créateurs de House of Cards avaient simplement repris le concept de Profit en vendant la série à Netflix. J’avais tort. Netflix a tout simplement repris le concept aux britanniques.

House of Cards - BBC - 1990

House of Cards – BBC – 1990

House of Cards : la série britannique qui innove- 1990

C’est avec 26 ans de retard que je découvre la série britannique, passée sur la BBC, l’équivalent de France Télévision ! Et l’on retrouve tous les ingrédients qui font le succès de House of Cards sur Netflix.

Bien entendu, il y a quelques nuances. Le protagoniste s’appelle Francis Urquhart (ce qui a donné Franck Underwood : Urquhart, c’est trop 1990). Il est roué mais pas aussi sexy que Kevin Spacey. Idem pour son épouse : Elizabeth Urquhart (le double Claire Underwood), qui n’a pas le glamour et l’espace dramatique de Robin Wright. La série est datée, encore plus que Profit, parce qu’elle a plus de 20 ans. Elle est proposée en format 4:3 (les écran TV des années 90) et non 16:9, (les écrans d’aujourd’hui). L’image et la réalisation lui confèrent une allure téléfilm plutôt que série.

Peu importe, les autres personnages sont bien présent et occupent peu ou prou la même fonction que dans le remake de Netflix. L’intrigue est grosso modo la même : Francis/Franck décide de se venger personnellement de celui qu’il a porté à la fonction suprême : chef d’Etat, et qui a trahi sa promesse.

Au final, ce qui est proprement incroyable est que la série britannique ose, et nous sommes en 1990, la traversée du 4e mur! Francis Urquhart s’adresse au spectateur. Ce qui n’est pas le cas de la narration dans le roman de M. Dobbs, qui est (rappelez-vous) à l’origine de la série. En outre, dans le premier tome, qui correspond à la saison 1, Urquhart est censé mourir.

Bref, c’est l’adaptation britannique qui donne le ton, l’angle novateur. Elle nie la frontière entre personnage et spectateur et fait de Urquhart, un protagoniste attachant, qui a droit, du coup, à deux autres saisons! Une sorte de Richard III, qui au lieu d’être le protagoniste d’une tragédie, devient le héros d’une comédie noire, cynique et désabusée.

Tout ça pour quoi? Me direz-vous?

Parce que je trouve osé, novateur et fondateur, qu’une chaîne publique comme la BBC, diffuse ce programme, jusqu’au bout : 3 saisons, contrairement à l’expérience malheureuse de Profit. En nous racontant l’ascension d’un psychopathe. Et nous sommes qu’en 1990! D’autant que le règne impitoyable de Margaret Thatcher vient tout juste de prendre fin. Cela me paraît très audacieux pour l’époque, par rapport à une chaîne américaine… et même une chaîne française.

Je me demande même maintenant dans quelle mesure, la narration de la série Profit ne se serait pas inspirée du modèle House of Cards par la BBC…

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Ronan Le Breton

Ronan Le Breton Story Designer Story Teller Narrative Designer Auteur de mauvais genres

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